
Alan est mort !
Je n’ai plus envie de vivre. Je n’ai pas la force de me tirer une balle dans la tête, alors je fais ce qui y ressemble le plus en cette année 1988 : j’attrape le SIDA, quasi volontairement. Les médecins me donnent 5 ans à vivre. Je décide de les vivre sans eux. J’ai fermé mes yeux et mes oreilles, et je suis parti avec ça sous le bras, attendant de rejoindre l’homme que j’aimais.
5 ans plus tard, je n’étais, évidemment, pas mort.
La maladie n’a commencé à faire parler d’elle qu’en 1998. Trois zonas, une jaunisse. En 2004, je n’ai presque plus de force. En 2005, mes parents, qui n’avaient rien su de ma lente agonie, finissent par me convaincre d’aller à l’hôpital. Je suis persuadé de mourir, je les laisse m’y amener.
Je ne suis toujours pas mort.
J’ai vu les chiffres, j’étais dans un état catastrophique. Le service médical, après une réunion, a décidé qu’il fallait tenter la trithérapie la plus forte qu’ils avaient sous la main, et qui n’épuiserait pas trop mon organisme, mais en n’y croyant pas vraiment. C’était le 12 juillet 2005.
Sauf que…
Sauf que dès le lendemain, ils ont vu les courbes s’inverser. J’ai vu les chiffres, c’était impressionnant.
Au bout d’un mois, ils ont annoncé à mes parents que j’étais très probablement sauvé.
Un matin d’automne, j’étais encore à l’hôpital, je me réveille, je vois mon infirmière qui est dans la chambre, et je lui dis : “ Je vois de la couleur. “ Elle me regarde, un énorme sourire lui barrant le visage. Elle sait que j’ai repris ma vie en main. Trois jours plus tard, je me réveille en larme. Mon infirmière, la même, comprend immédiatement ce qui se passe, et donne des instructions très fermes pour qu’on me fiche la paix tant que je n’appelle pas. Elle avait compris que je faisais le deuil de tout ce que j’avais perdu depuis la mort d’Alan.
Depuis, ce fameux matin de 2005, il y a une petite “ bille “ dans ma tête, qui me laisse me plaindre de temps en temps, mais qui, au bout d’un moment, me remet sur le droit chemin, me rappelant d’où je viens et ce que j’ai traverser pour en arriver là. J’ai découvert que tout est plus supportable si on le prend en étant positif. La mort ne me fait pas peur, je sais que c’est probablement la maladie qui va l’emporter à la fin, mais je sais aussi que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour décider QUAND et COMMENT elle l’emportera. Je connais avec précision le moment où je lui dirai “ STOP ! “
Il n’y a pas de recette miracle. Accepter la maladie est une bataille qu’on mène avec soi-même. Accepter le fait qu’on n’a pas le choix aussi. Le meilleur moyen est, me semble-t-il, de se concentrer sur ce qu’il y a d’important dans sa vie, faisant totalement abstraction du reste. Je me fiche de ce que pensent les autres, de ce qui leur fait plaisir ou pas. Je ne m’occupe que de moi et de ceux que j’aime. Mon père était devenu un obstacle, je l’ai sorti de ma vie aussi facilement et rapidement que j’aurais, avant, éteint une cigarette. Je vous jure que c’est vrai. Ma vie est devenue ma seule priorité.
Ça fait 31 ans que je suis infecté, ça fait 19 ans que j’ai déclaré la maladie, pourtant je vous assure qu’il est impossible de savoir, en me voyant, que je suis si malade. En 2005, les médecins pensaient devoir me garder au moins un an. Je n’en ai eu besoin que de 5 plus un mois de rééducation. Je les ai épaté encore et encore, même s’ils ont fini par s’habituer à mes rebondissements spectaculaires. Et tout, absolument tout, se passe d’abord dans la tête. La tête, c’est 80% de la santé, le corps, les 20% qui restent. Les médecins ne peuvent que nous aider à aller mieux, pas nous faire aller mieux.
Je veux vivre, et être heureux, donc je vis et suis heureux.

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