
Etre séropositif aujourd’hui ; point de parcours d’une maladie chronique à forte connotation
J’ai 65 ans bientôt ; je suis papa, grand- père et gay ; j’ai découvert que j’étais séropo en début 2006 ; j’avais fait une demande de prêt bancaire et on me demandait un point de santé ; le verdict est tombé ; je suis séropositif et je n’ai pas eu le prêt escompté dans l’établissement en question ( mais une autre banque m’a prêté de l’argent….)
Quand j’ai reçu l’information, je ne savais pas clairement identifier les conséquences et ce que cela voulait dire ; j’ai progressivement apprivoisé l’information puis j’en ai parlé autour de moi sans fard et sans fausse pudeur. Je savais qu’il y a un avant et un après ; ce changement se lit partout et surtout je savais que désormais, j’étais séropositif et cet état est définitif. On a un cancer mais on est séropositif….
Médicalement, ce n’était pas tragique ; certes je prends un cachet par jour mais combien de maladies sont autrement contraignantes ; j’ai été contaminé après l’arrivée des trithérapies et si j’ai eu à certain moment un traitement pénible (saleté de Kaletra qui vous donne des diarrhées infernales et ingérables), aujourd’hui, je prends un cachet le matin et c’est tout.
Ce qui a changé c’est mon regard et celui de certains que je subis ; j’ai d’abord apprivoisé dans ma tête le sens et la portée de ce mot « séropo » ; pour certains c’est la mort ou une forme de morbidité annoncée, pour d’autres la sanction d’une vie sexuelle débridée et enfin pour certains un mot qui fait peur sans qu’on sache très bien pourquoi ( bien sûr, les années SIDA expliquent cette peur).J’ai très vite décidé d’être à l’aise avec ça et j’en ai parlé partout ; Je travaillais à l’Agence française de développement et j’avais une grande confiance dans le patron de l’époque alors je lui ai envoyé un mail en disant « je ne sais pas pourquoi je vous le dis mais j’ai besoin de vous le dire, je suis séropositf » ; cinq minutes plus tard il m’accueillait dans son bureau et me proposait d’écrire une charte sur les maladies chroniques dans l’entreprise ; nous avons écrit ensemble un éditorial dans le journal de l’entreprise où j’annonçais que j’étais séropo. ça a été un choc pour certains mais l’accueil a été plutôt positif ( sans doute beaucoup de non dit mais qu’importe) ; En fait sans que j’en sois conscient, cela me permettait de m’affirmer et d’éviter de me cacher ; pour l’égo c’est important.
Dans ma famille et surtout à l’égard des enfants, c’était compliqué car ils venaient d’apprendre que je suis gay ; je ne regrette en aucun cas d’avoir été transparent avec eux. Et cela a permis de se parler simplement et franchement.
Sur les réseaux sociaux et dans la drague, cela reste compliqué car quand le dire ; le dire trop tôt cela fait peur ; le dire plus tard est perçu comme un manque d’honnêteté ; tant pis, je le dis clairement car c’est plus facile à vivre.
Très vite, j’ai pris conscience de la chance que j’avais en ayant une famille, des revenus et un cadre de vie sécure ; je me suis senti un besoin d’accompagner ceux qui étaient séropos dans une plus grande précarité car ils étaient comme moi mais avec la chance en moins alors je me suis engagé à Basiliade où j’anime ou participe à des moments de convivialité.
Aujourd’hui, je le vis très bien avec simplement la crainte des effets à long terme du vih et des traitements ; j’ai la chance d’un système de soin hospitalier performant, d’une prise en charge à 100 % et ce n’est pas rien…Pourvu que cela dure ; sur le plan humain, sexuel et affectif j’aborde l’étape du vieillissement comme un nouveau challenge mais rassurez-vous, j’arrive toujours à trouver des partenaires et l’amour semble encore vouloir me gâter ; Accueillir ma situation de séropositif a demandé du temps mais quelque part, j’en sort plus fort pour accueillir les nouveaux challenges qui m’attendent
Jean-Louis 21 aôut 2019, bénévole de l’association Basiliade.*
*Créée en 1993, Basiliade a pour vocation d’accueillir et d’accompagner des personnes en situation de précarité atteintes notamment par le VIH/SIDA.

Très sympa et simple ce témoignage, il a la chance d’être père et plus ça aide pour avancer dans la vie.
Bravo à toi moi séropo depuis 1989 et un peu moins de chance