[TÉMOIGNAGE] Fox : “Le VIH fait partie de moi et m’a aidé à être plus fort”.

1996, J’ai 24 ans, je commence à vivre mon homosexualité sans avoir fait mon coming out, je pars en saison dans les Alpes  et je vais pouvoir être pleinement moi loin de ma famille dysfonctionnelle…

Je suis heureux durant ces 6 mois, pas beaucoup de sexe mais épanoui, arrivé en fin de saison, un dépistage gratuit est organisé, j’y vais cela sera le premier et le dernier, j’apprends ma séropositivité la semaine d’après.  Le médecin qui me l’apprend est froid mais la femme qui l’accompagne, Brigitte est incroyable, douce, très fine, nous parlons longtemps, elle me propose de venir à Chambéry avec elle quelques jours plus tard pour des examens complémentaires. J’avoue ne pas me souvenir de tous ces examens ni vraiment pourquoi nous sommes allés là-bas. Un courrier pour mon retour en Normandie en poche, je repars quelques jours après chez moi. Je repars avec le souvenir de cette femme qui ressemblait à Mireille Darc dans son cabriolet et je ne l’oublierais jamais car c’est elle qui m’a permis de l’accepter sans avoir l’impression que ma vie est finie et pour cela je lui serais éternellement reconnaissante. Je n’ai jamais su et ne saurait jamais qui a pu me le refiler, certainement mon regret, pas que je lui en veuilles, mais j’aurais voulu échanger avec cet homme pour lui faire comprendre qu’il m’a fait mal mais aussi rendu plus fort.

Retour en Normandie, je prends rendez-vous au Havre pour mettre en place un traitement, cette expérience est désastreuse, l’impression d’être un pestiféré a qui il ne reste que quelques mois à vivre… je pars plus abattu que je n’ai jamais été alors que jusque-là j’acceptais mes erreurs, car oui c’est ma responsabilité, je ne me suis pas protégé, erreur de jeunesse, pas de prévention autour de moi, pas de discussion dans mon entourage sur les risques, mon insouciance.

Je prends rendez-vous à Rouen avec un autre professeur, une nouvelle prise de sang, je n’en parle à personne, pas envie, honte, c’est à ce moment que je décide que c’est mon combat, ma vie et que ce n’est pas un virus qui va me régir ma vie, je vais VIVRE et cette saloperie n’auras jamais le dessus, je ne veux pas, cela ne se peut pas.

Rouen, au CHU je me sens comme n’importe qui, le personnel est incroyable de gentillesse, mon professeur qui va m’accompagner jusqu’en 2017 est incroyable. Le traitement est fixé, je vais être sous SUSTIVA et COMBIVIR, tous cela ne me parle pas, je cherche, m’informe, et surtout j’évite de lire les effets secondaires !! Avec une mère dans le milieu hospitalier, j’ai appris que cela faisait plus de mal que de bien. Je suis à 15000 copies, je comprends que cela ne doit pas monter plus haut donc c’est parti donc pour le traitement, les prises régulières, ces gros cachets durs à avaler mais je ne me laisse pas abattre. J’ai vite décidé de prendre le traitement au coucher, j’ai découvert les effets secondaires : vertiges, bouffées de chaleur, nausées et les diarrhées du début… je reste fort, j’ai encore tant de choses à vivre.

Le traitement est efficace, je descends rapidement à moins de 10000 copies, je suis heureux de cette petite victoire, je sais que le chemin sera long.

Les effets secondaires ne se calment pas du tout et ne se calmeront jamais, même après plusieurs années… je reste sous ce traitement plusieurs années, et découvre les changements de mon corps, jambes plus fines, prises de ventre et le plus difficile la sensibilité que je développe à l’estomac et aux intestins, ce n’est pas insurmontable juste chiant.

Deux ans plus tard tout va bien, tout est parfait si je puis dire dans ce cas de figure. Je fais mon coming out et j’annonce ma séropositivité à ma famille, un soir de Noel (j’ai souvent cassé Noel par la suite) pleurs de ma mère, la famille et plus rien après. C’est à ce moment que j’ai décidé de ne le dire qu’a des personnes très proches, c’est-à-dire très peu de monde. Je m’aperçois maintenant que j’ai un grand manque car je n’ai pas d’amis homos sur Le Havre, et pas d’amis séropos avec qui échanger, c’est vraiment ce qui me manque le plus, définitivement.

Je suis un chanceux, vraiment ce traitement ne m’a pas posé trop de problème, certainement par ma combativité, même si je n’en ai pas l’air suis un warrior !!!

En 2007, mon professeur me propose un changement de traitement, je suis OK, plus qu’une prise au lieu de deux, je passe sous ATRIPLA et j’y suis encore tout est ok, je suis indétectable, je vais bien, enfin j’ai quand même fait l’objet d’une publication de mon professeur vu que les effets secondaires ont été violent, toujours des vertiges, des bouffées de chaleur mais c’est surtout la non-disparition de ceux-ci qui a été remarquable.

Mais je ne me plains pas, je n’ai pas le droit, je suis en vie, en bonne santé, en pleine forme même et j’ai bien conscience que sur les témoignages que j’ai pu avoir, je ne morfle pas tant que cela. C’est peut-être pour cela que les personnes étant au courant ne demandent pas de nouvelles de ma santé, et aussi que certaines doivent être mal à l’aise d’en parler mais ça elles ne le diront pas, ce n’est plus mon problème, on m’accepte ou pas je ne veux plus m’entourer de personnes toxiques ou intolérantes.

2017, je change de médecin, marre de faire la route et l’équipe médicale est bien meilleur qu’il y a 20 ans fort heureusement !! C’est une femme qui s’occupe de moi et elle est à la pointe vraiment, elle a un coté mère poule cela me change de la mienne… elle me propose de changer de traitement, même si l’ATRIPLA est toujours aussi efficace, je tente le coup avec le GENVOYA et là c’est plutôt le bad bad mood !!! diarrhées violentes, vertiges, bouffées de chaleur, des insomnies, des réveils en sursaut et cette sensation incroyable que l’on m’enserre les os dans des pinces, c’est violent, très douloureux, pour la première fois, je rate le boulot, j’essaie de tenir le traitement 15 jours pour voir si cela se dissipe un peu, si ce ne sont que des effets de début de traitement, rien n’y fait cela empire même. J’appelle le médecin, j’ai dû dormir 3 heures correctes en 4 jours, pour la première fois je lâche l’affaire. J’ai perdu 4 kilos… retour sous ATRIPLA, et depuis tout est ok. 

2019, J’ai rendez-vous en octobre pour mon bilan semestriel, un changement de traitement est à nouveau évoqué, je ne suis pas encore fixé sur mon choix, si tout est ok pourquoi changer ? 

Je sais que je suis un chanceux, suis à moins de 50 copies, j’ai une vie formidable, des personnes m’aident sans le savoir, oui je parle de toi Fred et de ton flamant rose !! mais aussi Philippe et de toutes ces personnes qui en parlent sans rien cacher sur twitter, certains sont devenus des amis, des rencontres sont prévues. Et je ne les remercierais jamais assez car autour de moi, c’est toujours le blackout, hormis 3 personnes de ma famille et deux amies de 30 ans, les autres ne me demandent pas de nouvelles de ma santé, l’invisibilité de la maladie fait que c’est une bonne excuse pour le mettre dans un coin.

Je le répète, je suis un chanceux, et jamais je ne me laisserais abattre, je veux être là quand un vaccin verra le jour même si je suis avec une canne, un sonotone, j’irais dans la rue, crier de joie, danser, célébrer l’espoir, la vie, je veux sentir l’aiguille rentrer sous ma peau, sentir ce liquide salvateur me guérir, me sentir libre, libre de ce fardeau dont j’ai fait un compagnon de vie… un peu comme un pote qui squatte chez moi et que je serais vraiment content de foutre de dehors même si quelque part je l’aime, car il fait partie de moi, il m’a aidé à grandir à être plus fort, à me battre contre l’injustice, l’intolérance. Et si une personne lit mon histoire et retrouve espoir alors je serais le plus heureux des hommes.

Je suis VIHVANT à jamais !

Fox, août 2019

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1 Comment

  1. Bonjour je suis Patrice sèropo depuis 91 biensur je n’ai rien dit à presque personne j’avais un couple d’amis malade du sida ceux sont les années noirs. Oui j’avais peur
    En 2007 ma rentrée dans le sida fracassante mort annoncée mes parents mis au courant
    La j’ai connu la serophobie
    J’ai fait 2 maladies opportunites mortelles et je suis la
    En 2007

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