[TÉMOIGNAGE] Nicolas : “si tu es séropo, tu n’es pas anormal, alors vis, aime, brille, car tu es spécial”

Je m’appelle Nicolas, J’ai 28 ans, j’ai découvert que j’étais séropositif en 2015, et ça a changé ma vie. J’étais plutôt mal dans ma peau à cette époque. Je vivais chez mes parents, très croyants, dans un quartier familial partageant la même foi (et ma famille est très grande). Et toutes ces personnes étaient profondément homophobes. J’ai donc grandi, en connaissance de ma sexualité, mais dans l’impossibilité de la vivre, tout le temps entouré mais terriblement seul.


Pendant des années donc, comme beaucoup, j’ai essayé, pour correspondre aux critères, de taire mes pulsions, mes envies, renier cette partie de moi, voire la changer. J’ai finalement décidé de vivre une double vie. Un personnage « acceptable » au besoin, investi dans des activités religieuses diverses et une sexualité cachée.

Ce grand écart psychologique a peu à peu ruiné mon estime de moi-même, et fait naitre et grandir en moi le sentiment que mon rejet par mes parents et par mon entourage proche était inévitable. Cette épée de Damoclès m’obsédait, et grossissait, et mon désespoir grandissait, tant et si bien que le sexe est devenu comme une drogue. Alors j’ai multiplié les partenaires, il en fallait toujours plus, et un jour, j’ai baisé sans capote, puis c’est arrivée une seconde fois, et c’est devenu plus fréquent, mais pour moi j’étais déjà mort auprès de ceux que j’aime.


Puis un jour, après une prise de sang, on me rappelle pour me dire qu’il fallait que je revienne car il fallait que l’on discute de mes résultats. Je raccroche, j’ai peur. De quoi pouvait-t-on parler ? Mais j’y vais le lendemain. Le médecin me reçoit, me parle un peu, puis prend un air grave… je panique. Et là, il m’annonce qu’à la lecture de mes résultats d’analyse je suis
séropositif. Il continue à parler, mais je ne suis plus là, mon esprit divague, mon monde s’écroule.

Je reviens à lui quand il me dit qu’il faut que je fasse une seconde prise de sang dans un autre service dans un hôpital. Je ressors, monte dans ma voiture, rentre à la maison et fond en larmes. Tant mieux, je suis tout seul à la maison. Mes parents rentrent un peu plus tard, je ne leur dis rien et contient mon angoisse (j’avais l’habitude de leur cacher des choses
de toutes façons).

Le jour de mon prochain rendez-vous arrive, je m’y rends et me rappelle
que le précédent médecin m’a dit qu’il existe des faux positifs et que c’est la raison pour laquelle on fait une deuxième prise de sang. A ce moment-là, j’oublie qu’il a aussi dit que les faux positifs sont extrêmement rares. J’y vais, je remplis des papiers administratifs, c’est long, c’est angoissant, on me demande des noms de personnes à contacter en cas de problème, je
donne les coordonnées de ma Maman et celles de ma meilleure amie de l’époque. Puis tout se passe très vite, je vois l’infirmière, qui prends mes constantes, fait la prise de sang, elle est sympathique, ça me rassure un peu. Puis je vois le médecin, elle m’ausculte, puis on parle du VIH, elle répond à mes questions. Et là je commence à comprendre que ce n’est pas si grave
que ça en a l’air. On parle traitement, trithérapie, etc.… Je rentre à la maison.

C’est le bordel dans ma tête. Puis un truc que je n’avais pas prévu arriva. Ma maman m’appelle et me demande est ce que je suis allé au services des maladies infectieuses, et si oui pourquoi… Je deviens muet, interdit, elle insiste, et je fonds en larmes. Elle décide alors de quitter son bureau pour rentrer à la maison. La discussion est difficile, mais ma langue se délie, et je lui raconte tout. Elle ne comprend pas, elle a l’air déboussolée. Je pleure sans arrêt. Elle appelle mon Papa et lui explique qu’il y a un problème à la maison, et il arrive assez vite. On en discute, et à ma grande surprise, ils ne me renient pas, et à partir de ce jour-là, mes parents que j’imaginais m’abandonner, m’ont protégé et soutenu. Ma sœur également leur emboite le pas.

Et d’une situation que je croyais perdue, est née une toute nouvelle relation. Depuis cela, j’ai appris à vivre avec mon traitement, Je parle volontiers de mon expérience à qui veut l’entendre, car en 2019, on n’en meurt plus, on le vit bien. Et comme un bonheur ne vient jamais tout seul, Je suis en couple avec un mec dont j’ai le soutien indéfectible depuis plus de trois ans et j’ai beaucoup de copains tous plus géniaux les uns que les autres. En bref, s’il ne fallait retenir qu’une chose de mon histoire, c’est que si tu es séropo, tu n’es pas anormal, alors vis, aime, brille, car tu es spécial.

Nicolas, 11 août 2019.

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