[TÉMOIGNAGE] Glenn : “le VIH je l’ai dompté, il est mon compagnon sous camisole dont je n’ai plus honte”.

En lisant un billet de Fred Colby sur la séroconversion, je me suis beaucoup reconnu.

J’ai eu l’impression de me lire , de revivre cette grippe aussi dans le fond du lit à Paris , où j’ai tenté d’appeler des amants , des plans cul pour m’emmener chez le médecin mais qui, comme par hasard , même si je les savais véhiculés et disponibles pour venir me chercher … me sauver … ils n’avaient pas le temps …

Personne n’est venu , personne n’a rappelé .. seul, je suis resté seul dans cet appartement qu’on me prête gracieusement . Une semaine , presque deux , à me lever juste pour m’hydrater et tenter d’avaler un truc que je re vomissais le quart d’heure d’après . Péniblement à me trainer du lit à la salle de bain ,dans laquelle je prenais des douches interminables , où je laissais couler l’eau des heures assis par terre la tête entre les mains ou adossé contre la parois de la douche.

C’était , je crois, le seul moment ou je me sentais « vivant », l’eau brûlante ruisselait sur la peau pour me maintenir dans une sorte de cocon . Sorti , à peine séché , je m’ensevelissais sous les couettes et l’ensemble de mes vêtements que j’avais aussi mit par dessus pour me tenir au chaud et pour ne pas trop greloter .

J’ai très mal vécu 2 ruptures successives, l’impression d’avoir tout raté de ma vie (amour/travail) à 29 ans ,et je passais mon temps à combler le manque , en courant les foyers et les backrooms à la recherche de peaux , d’attention , de contacts humains , de chaleur , je pouvais passer mes journées à baiser !

Elles étaient réglées comme ça d’ailleurs, mes journées : plan même très tot le matin , repos , re plan chez un autre , retraverser paris , re plan etc jusqu’à rentrer épuisé et repus de sexe , jusqu’au lendemain .

De cette grippe qui m’a clouée au lit , un matin, plus rien, comme si tout s’en été allé , je reprends enfin le contrôle sur ce corps qui m’a lâché , je me regarde dans le miroir et je ne me reconnais pas , j’aime pas ce reflet ,ce corps qui n’est pas le mien. J’ai dû perdre au moins 15kg à ce moment là mais je me reprends en mains.

De cette mésaventure , je rebondis , mange un vrai repas et reprends du poil de la bête . Intérieurement je me dis, qu’avant de rentrer chez moi définitivement, il faut faire mon dernier dépistage ici , en France , clôturer ce chapitre de ma vie sur une bonne note .

Je file au Kiosque , j’aime bien , c’est rapide et puis pouf j’en serais débarrassé . Tout est ok , VIH négatif , ouf ! Soulagé , je prends l’avion et je rentre au bout de deux ans et demi de déconvenues , à la maison .

Je découvrirais plus tard que je suis séropo dans la cabinet du centre du dépistage, avec cet état que Fred Colby a décrit et parfaitement posé , un état hébété , où je réponds « oui oui j’ai bien compris » , « pas de soucis » , « y’a pire » , « ne vous inquiétez pas » , comme si il fallait que je mette le médecin à l’aise face à cette annonce qui me terrifie et qui me plombe les ailes . J’ai l’impression que c’est moi qui lui ai pourrit sa journée presque

J’en ai pleuré de ce texte , j’en ai pleuré de me retrouver , de revivre ces instants là , cette grippe qui est inscrite dans ma chair et qui est indélébile.

Ce virus fait partie entière de moi maintenant . Je l’ai accepté, dompté , il est mon compagnon sous camisole dont je n’ai plus honte .

Illustration publiée avec l’aimable autorisation de artbyfab
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